You never said goodbye [Benjamin]

Six heures trente. L’heure de se lever. Comme d’habitude. J’irai dans la cuisine, je prendrais mon petit déjeuner, mes médicaments. Je filerais ensuite prendre ma douche, me lisser les cheveux. Comme toujours, je passerais un bon quart d’heure à me maquiller, puis j’irai prendre mon sac, et je filerais au bahut. La routine. Tout devrait se dérouler ainsi, aujourd’hui. Comme n’importe quel autre jour.

Seulement voilà. Il est déjà sept heures. Et je suis toujours dans mon lit, en bas de pyjama. Mes médicaments m’attendent patiemment dans le pilulier. Comme ceux d’hier. Et dans jours précédents. Je ne vais pas déjeuner. Je n’ai pas faim. Les jours précédents, je m’étais forcé à aller grignoter quelque chose, mais pas hier, ni aujourd’hui. Je ne m’étais pas non plus lissé les cheveux, ni maquillé. Je n’étais pas allé en cours depuis le début de la semaine. Et, nous étions Jeudi. J’en avais marre de me lever, et de me forcer à suivre la routine qui m’était imposée. Je voulais tout arrêter.

Je tournais la tête vers ma table de chevet. Je regardais un instant le cadre et la photo. Ben, et moi. J’eus un petit sourire. Si seulement tout pouvait être aussi simple. Si seulement, rien qu’une journée, je pouvais vivre la vie d’un étudient normal … Si seulement …

« Tu ne le mérites pas. Il est trop bien pour toi. »

Et des rires, encore et encore. Je gémissais et portais mes mains à mes oreilles. Mais ils continuaient. Encore plus fort. Je me recroquevillais sur moi-même, avant que ma main n’aille d’elle-même attraper le cadre et le balancer violement contre le mur. J’entendis le bruit du verre qui se brise, puis, plus rien. Plus de rires. Plus de bruits.

Je fermais les yeux, et me blottissais dans mes draps, le corps tremblant. Si seulement Elle pouvait se taire à jamais. Qui ? Mais la Voix, bien sûr. Elle me hante, elle me parle. Elle m’ordonne de faire des choses. Sinon, elle essaie de me faire du mal. Je le sais. Je l’entends. Elle m’empêche de dormir. J’ai peur. Peur d’elle. Je veux qu’elle me laisse tranquille. Mais elle m’embête depuis si longtemps !

Et maintenant, des coups sur la porte. Toc toc toc. Si tu croies que je vais me lever pour t’ouvrir, tu peux te mettre le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate. Toc toc toc. Encore. Je ne viendrais pas, je t’ai dit. De toute façon, si c’était vraiment important, il repasserait. Je ne viendrais pas lui ouvrir pour autant, mais tant pis pour lui. Sinon, il me connaissait. Et s’il me connaissait si bien que ça, il saura que la porte est toujours ouverte, et qu’il n’a qu’à poser sa main sur la poignée et pousser. Mais je n’irai pas ouvrir. Toc toc toc.

La porte s’ouvre. Ah. J’entends des pas, dans le salon, puis dans la cuisine. L’inconnu remarquera sûrement le pilulier sur la table. Ou alors, il ne fera pas attention. Il verra certainement le bordel sans nom qui régnait dans l’appart’, aussi. Peut-être qu’il aura l’intelligence d’allumer la lumière. Oui, les volets sont fermés. Depuis quand ? Bah … Le début de la semaine. Une voix. On m’appelle. Serait-ce Ben ? Mais … Je ne bougerais pas. Ben ou pas Ben. Des pas, encore et encore. On ouvre la porte de ma chambre. Je gardais les yeux fermés. Je ne voulais pas savoir qui c’était … Jamais.

Des pas, encore. Le craquement du verre parce qu’on marche dessus. Qui c’est ? J’ai peur. Et si en fait, c’était la Voix qui s’était trouvée un corps ? Non, non. J’entendis les volets qui s’ouvrent. Aaaah … Lumière. Je me retourne dans mon lit, et tournais le dos à la source lumineuse qui inondait ma chambre.

L’inconnu marche, encore. Je l’entends poser quelque chose sur mon bureau, puis, venir s’asseoir sur mon lit. Je serrais les draps entre mes doigts. Et dire qu’il me suffisait simplement de me retourner pour savoir qui c’était … Je sentis sa main douce dans mes cheveux et me détendis un instant. Il essayait de me mettre en confiance, de me faire comprendre qu’il ne me voulait aucun mal.

Je me tournais un instant vers l’inconnu et ouvrais les yeux. Ben. Il me regardait, il souriait. Je le regardais quelques secondes, avant de fuir son regard. Comme d’habitude. Le jeune homme se mit alors à parler. Il me demanda ce que je faisais. Il me rappela que je n’étais pas venu en cours depuis le début de la semaine, que je n’avais pas pris mes médicaments. Il ajouta que je venais d’avoir un souci. Ah bon ?

« Mmmh, oui. Je sais. Mais j’ai pas envie. »

Pas envie d’aller en cours, pas envie de me « soigner ». Je sentis alors que le jeune homme se glissait dans mes draps, en chaussettes. Je posais mes pieds nus contre ses jambes, et l’entourais de mes bras. Je sentis ses mains caresser mon visage. Je souriais un instant. Puis, Benjamin se mit à parler, encore. Il me proposa son aide, d’aller en cours, et de me faire le petit déjeuner. Je hochais négativement la tête.

« Nan … J’ai pas faim. Je veux pas aller en cours. Je veux rester là. »

Je blottissais ma tête contre son torse, et fermais les yeux. J’aurais voulu rester comme ça pour l’éternité. Qu’on arrête de m’embêter. Que je n’ai plus aucune obligation. J’aurais voulu être normal. Libre. Mais, visiblement, on avait décidé que je n’aurais pas ce droit.

« Tu ne le mérites pas. Eloigne-toi de lui. »

Toujours cette Voix, qui m’oblige à me recroqueviller, à rouler loin de Ben. Je tremble, je transpire. J’ai peur. Et Elle rigole, encore et encore. Elle se plaît à me martyriser comme ça. C’est horrible. Je pose mes mains sur mes oreilles, je gémis. Mais rien n’y fait.

« Tais-toi ! Mais tais-toi ! S’il te plaît … » réussis-je à murmurer.

Ce n’était qu’une longue plainte craintive. Une supplique. Et Elle ne m’écoutait pas. Je gémissais, et roulais en dehors du lit. Ma tête butta contre quelque chose – surement la table de chevet -, et m’arracha un nouveau gémissement. Pourtant je continuais mon chemin. Je posais ma main sur un morceau de verre, mais avançais encore. Je ne savais pas où j’étais. Il faisait jour dans la chambre, c’était vrai, mais noir dans ma tête. Je devrais peut-être ouvrir les yeux, mais non. Je ne veux pas voir ce qui m’entoure.

Par je ne sais quel miracle, je réussis à trouver un coin de mur, et m’y blottissais. J’avais tellement froid ! Et chaud, en même temps. Je tremblais. Les larmes inondaient mes joues. J’avais si peur ! Un liquide chaud coulait sur mon bras. Je posais ma main ensanglantée sur le mur, avant de me rendre compte que la Voix s’était tue. Pour combien de temps ?

Ben décida de venir me relever. Doucement. Je hochais négativement la tête. Non je ne voulais pas bouger. Pourtant, le jeune homme semblait en avoir décidé autrement. Il m’attrapa par la main et m’entraîna dans la cuisine. Je foutais du sang partout. Mais tant pis. En fait, je trouvais ça plutôt sympa, même. Les traces de doigts un peu partout, les gouttes de sang qui maculaient le carrelage. Oui, c’était … joli.

Le jeune homme me força à prendre mes médicaments. Je le regardais un instant, avant de me forcer à les avaler. Ça ne changerait rien, de toute façon. Je ne les avais pas pris depuis le début de la semaine, alors … Benjamin caressa mon visage, avant de prendre à nouveau ma main. Il m’entraîna vers la salle de bain, et commença à me laver. Je le regardais, sans rien faire. J’aurais voulu qu’il arrête, mais il continuait. Il me passa un bandage sur la main, afin d’éviter que je ne recolore l’appart à ma façon.

Ben me força à passer un tee-shirt, et un pantalon. Je n’étais même pas maquillé mais bon … Enfaite, je n’aime pas ne pas être maquillé. Mais je n’avais pas le courage de prendre un crayon et de me le passer sur les yeux. Et puis … Nous n’allions pas sortir, non ?

Le jeune homme m’entraîna ensuite, tel une marionnette, vers le canapé, et m’obligea à m’asseoir. Il se colla à moi, et, je fermais les yeux. Il me lança qu’il restait avec moi, qu’il savait que j’avais toujours cette peur. Je devais la faire taire. Mais comment ? Ce n’était pas possible. Parfois, la Voix était plus forte que les médicaments. Ben continua, me disant qu’il était là pour moi, qu’il tenait à moi. Je n’en valais pas la peine.

Mon ami se serra encore plus contre moi, et je l’entourais de mes bras. La Voix s’était tue, pour une fois. Elle ne disait rien. Tant mieux. Je ne voulais pas l’entendre. Sinon, j’allais encore faire des bêtises. Et franchement, elles n’étaient pas toujours belles à voir.

Quelque chose me tira de mes pensées. Les lèvres de Ben qui s’étaient posées sur les miennes. Je le regardais un instant, surpris. Avant de baisser le regard. Je n’aime pas que l’on me regarde dans les yeux. Je n’aime pas regarder les gens dans les yeux.

« Qu’est-ce que tu fais ? » demandais-je.

Je regardais son épaule, avant de déposer à mon tour mes lèvres sur celles de Ben. Attendez … C’est pas les amoureux qui sont censés faire ça ? Ben, il n’était pas avec un gars qui s’appelait Alexander ? Et moi ? Est-ce que je suis amoureux de Ben ? Heu … Un petit peu, peut-être. Je sais pas, je ne comprends pas vraiment ce que ça veut dire.

« Non. »

La Voix. Je ferme les yeux, et me raidis. Elle n’aime pas ça. Elle ne veut pas que je sois heureux. Tant pis. Je passais ma main bandée sur la joue de Ben. L’autre fila sous son tee-shirt. Pourquoi je fais ça ? Je ne sais pas. J’aime bien sentir sa peau douce et chaude sous mes doigts. Je fermais les yeux, avant de poser à nouveau mes lèvres sur les siennes.

« Mmmh … Pourquoi, Ben ? Pourquoi on fait ça ? »

Ben savait qu’il n’aurait pas dû faire ce qu’il venait de faire. Il ajouta que j’étais important pour lui, même s’il était en couple. Il ne pouvait faire comme si de rien n’était. Peut-être qu’il avait raison. Mais, je ne méritais pas son amour. La Voix me forçait à devenir violent, Elle m’interdisait d’être heureux. Ben méritait mieux que moi. Enfin, il fait ce qu’il veut, après tout. Lui, il n’a pas une Voix qui le commende.

Je lui demandais alors pourquoi on faisait ça. Il me répondit que c’était parce que l’on ressentait la même chose. Je regardais le sol, sans trop comprendre. Etait-ce vraiment possible ? Je reportais mon attention sur son tee-shirt, et ma main blessée vint jouer dans ses cheveux. Ben ajouta alors que, tant que j’allais bien, il ne partirait pas. Une moue vint s’installer sur mon visage.

« Et si je ne vais pas bien, tu t’en vas ? »

Ce serait dommage. Je ne voulais pas que Ben s’en aille. Je voulais qu’il reste vers moi, tant que je n’étais pas méchant. Tant que la Voix ne m’ordonnait pas de le chasser. Je fermais les yeux, avant de poser mes mains sur le bas de son tee-shirt … que je remontais, avant le poser par terre. Pourquoi je fais ça ? Je ne sais pas. Quelque chose me souffle que je dois le faire, mais je ne comprends pas pourquoi. J’ôtais mon tee-shirt, à mon tour, avant de grimper à califourchon sur Benjamin. Je regardais ses lèvres, ne le fixais pas dans les yeux, comme d’habitude.

« J’ai l’impression que je fais quelque chose de mal, Ben … Je devrais pas faire ce que je suis en train de faire, non ? »

Je le regardais un instant, avant de détourner le regard. Encore. Je me mis à observer ma main blessée, avant d’ôter le bandage. J’ai mal. Ca saigne. En plus, la blessure aurait peut-être méritée d’être recousue mais … Je ne veux pas aller à l’hôpital. Sinon, on allait se rendre compte que je n’avais pas pris mes médicaments, sauf aujourd’hui, parce que Ben m’avait forcé. Et la Voix n’arrêterait pas de me parler. Elle me forcerait à faire des choses. Encore et encore. Jusqu’à ce que je finisse au centre. Jusqu’à ce qu’on me mette dans une petite chambre blanche, avec des coussins partout, même sur les murs. Et la Voix me parlerait, encore et encore, jusqu’à me rendre fou.

« Ben … J’ai mal … J’ai mal à ma main … »

Ca saignait toujours, et ça faisait mal. D’habitude, je ne fais pas trop attention à la douleur, parce que la Voix me parle, Elle me fait penser à autre chose. Mais là, Elle s’est tue. Et j’ai mal. Peut-être aussi parce que les médicaments ont commencés à agir, et qu’ils me sortent de là où je suis d’habitude pour me mettre ailleurs. Je fermais les yeux, avant de poser un doigt sur ma plaie … Doigt que je retirais immédiatement. Ça pique, ça brûle. Ça fait mal. Je n’aime pas ça.

« Beeen … » le suppliais-je.

Peut-être que je n’aurais pas dû enlever le bandage. Mais j’avais mal. Et je voulais regarder à quoi ça ressemblait. Et finalement, je n’étais pas très fier du résultat. Ecœuré, même. Je ne regardais même plus Ben. Je murmurais simplement son prénom, en espérant. En espérant quoi ? Je ne sais pas. Peut-être qu’il trouve un moyen pour enlever la douleur, non ?

Ben m’écarta de lui, avant de sortir du salon. Je continuais de murmurer son prénom, en balançant la tête de droite à gauche. Le jeune homme revint bien vite, et attrapa ma main. Il se mit à nettoyer ma plaie. Je grimaçais. Ca piquait. Beaucoup. Je gémissais un peu, mais restais calme. Ben posa ensuite un pansement sur ma main, puis un bandage. Il me regarda alors dans les yeux, avant que je ne détourne le regard. Oui, j’avais compris. Je ne devais pas y toucher.

Le jeune homme posa ensuite ses lèvres contre les miennes, doucement, tendrement, avant de me dire, avec cette même douceur, qu’il ne partirait que lorsque j’irais parfaitement bien, et lorsque je serais en cours. Pour le moment, il resterait là, car il ne voulait pas me laisser comme ça. Pourquoi ? J’étais bizarre ? Enfin … Ben enchaîna sur le fait qu’il voulait nettoyer mon appart, car il le trouvait en bordel. Je parcourais la pièce des yeux. Sur la table basse, au milieu des magazines et des dessins éparpillés, il y avait une tasse de café à moitié bue, et la télécommande de la télé devait également se cacher par là. Mais bon. Ce n’était rien à côté du bordel sans nom qui régnait dans la cuisine. Et puis, c’est vrai que, ces derniers temps, les choses tombaient un peu là où elles tombaient, mais je n’y faisais plus trop attention, maintenant.

Pendant que Ben était parti ranger l’appart, je m’attaquais à la table basse. Juste pour ranger magazines et dessins. Je n’aime pas que l’on regarde mes dessins. Je les trouve jolis, mais ce n’est pas vraiment l’avis de tout le monde. Les gens les qualifient plutôt de « scènes macabres ». Je ne comprends pas pourquoi. Enfin. Une fois que j’eus rangé mes dessins, je me tournais vers Ben, et l’observais. Il était gentil. Un peu papa poule, mais gentil. Sans lui, j’étais un peu perdu.

Je m’approchais discrètement de lui, et lorsqu’il eut fini, je l’enlaçais. Il posa ses mains sur les miennes et ma joue vint se coller à la sienne. Il me demanda comment je me sentais, si j’allais un peu mieux. Je fermais les yeux, avant de me balancer un instant avec lui.

« Un peu. Merci d’avoir rangé. Mais, il ne fallait pas, tu sais. »

Je le tournais alors vers moi, et l’embrassais. Un peu plus fort qu’avant. Je souriais, avant de poser mes mains sur ses hanches. Je plongeais furtivement mes yeux dans ceux de Ben, et lui attrapais la main. Je le tirai par le bras, et l’entrainais dans ma chambre. Je ne savais même pas ce que je faisais. Ni pourquoi je faisais ça. Mais je me sentais bizarre. Mon cœur battait plus que d’habitude, comme si, lui, il avait compris ce qui se passait.

Je forçais Ben à s’asseoir sur le bord du lit, avant de me poser à califourchon sur ses jambes. Je lui souriais, un bref instant, avant de venir trouver ses lèvres. Mes mains vinrent caresser doucement son torse, avant de le pousser – un peu fort, peut-être – sur le lit. Je me penchais, avant de regarder ses lèvres. J’évitais ses yeux. Toujours. Certes, avec Ben, j’admirais de temps en temps ses jolies prunelles, mais c’était rare. Je n’aimais pas croiser le regard des gens. C’était plus fort que moi.

Le pire était peut-être que je ne savais pas si je devais m’arrêter. Ce que je faisais m’était inconnu. Ou alors, je ne m’en souvenais plus. Et Ben n’opposait aucune résistance, ou presque. Vraiment je ne comprenais pas tout. Enfin, ce n’est que lorsque je m’attaquais à débouter son pantalon que Ben me regarda bizarrement. Quoi ? J’avais fait quelque chose de mal ?

Je me raidis en entendant Ben parler de mes dessins. Ainsi, il les avait vus. Mon regard se perdit dans le vide, tandis que je l’écoutais. Il me dit qu’il s’en foutait qu’ils soient un peu bizarres, car c’était ce que j’avais à l’intérieur de moi-même que j’essayais d’exprimer ainsi.

Je me taisais, le regard toujours perdu. Je sentis Ben défaire mon pantalon, avant qu’il ne glisse le long de mes jambes. Je ne bougeais pas, je me laissais faire. Au fond, était-ce si grave que Ben ait vu mes dessins ? Il ne les avait pas critiqués, après tout. Je le sentis alors me faire basculer et le vis juste au-dessus de moi. Je fermais un bref instant les yeux.

« Oui, tu as peut-être raison. Mais les gens n’aiment pas mes dessins. Ils les trouvent violents, et pas jolis. Mais je ne suis pas d’accord avec eux. C’est un peu pour ça que je n’aime pas qu’on les regarde, d’accord ? »

Je sentis alors ses mains venir caresser mes hanches, et je frissonnais. Ses doigts se promenèrent ensuite dans mes cheveux, et j’attrapais le bas du visage de Ben, avant de poser mes lèvres sur les siennes. Je sentais toujours mon cœur battre aussi fort. Est-ce que Ben l’entendait, lui aussi ? Je fermais les yeux, et glissais mes mains dans le bas de son dos.

D’habitude, je ne faisais jamais ça avec Ben. Il ne posait jamais ses lèvres sur les miennes comme il le faisait actuellement. Et surtout, nous ne nous retrouvions jamais en caleçon, l’un sur l’autre. Jamais. Sauf aujourd’hui. Pourquoi avait-il décidé qu’aujourd’hui, ça changerait ? Je n’aimais pas les « d’habitude » certes, mais est-ce qu’il était vraiment obligé de m’embrasser pour changer ? Enfin, ça ne me dérangeait pas – c’était peut-être grave ? -, ça me plaisait même. J’aimais les choses nouvelles – tant que je n’avais pas mal -, j’aimais ne pas entendre la Voix et j’aimais voir les réactions de Ben. Les miennes aussi, d’ailleurs. Je me sentais un peu bizarre. J’avais chaud, mais le corps de Ben ne pouvait me refroidir. Je tremblais un peu, sans vraiment savoir pourquoi. Je soupirais contre le visage de Ben.

Mes mains vinrent alors se glisser dans son caleçon. Ne me demandez pas pourquoi. Je lui souriais, croisais un court instant son regard, avant de l’embrasser. J’aimais bien sentir sa peau chaude contre la mienne. Je laissais glisser son boxer le long de ses jambes. Le jeune homme ne fit rien pour m’en empêcher. Ou alors, je n’avais rien remarqué. J’eus un sourire.

« Ben … » murmurais-je.

Je le laissais faire. Il devait certainement mieux savoir s’y prendre que moi. Il devait savoir ce qu’il fallait faire. Moi, j’agissais simplement avec l’instinct. Je faisais ce que je pensais qu’il fallait faire. J’essayais. Oui, Ben devait savoir ce qu’il se passerait ensuite. Moi, je ne savais pas. Ou presque. Je fermais les yeux, encore, avant de remonter mes mains dans les cheveux de Ben, et de les caresser doucement. Je les entortillais entre mes doigts, en souriant. Je me sentais bien … Pour le moment.

Benjamin m’ôta mon caleçon, puis attrapa la couverture, et la tira vers nous. Eh, je n’ai pas envie de dormir. Je ne suis pas fatigué. Mais bon, d’un côté, peut-être que Ben non plus, il ne veut pas dormir. Parce que, déjà, on dort en pyjama. Même si on a trop chaud. Enfin, Ben devait sûrement savoir ce qu’il voulait faire.

Je me retrouvais à nouveau sur le dos, après plusieurs roulades en milieu des draps. La bouche de mon ami descendit le long de mon torse, avant de se mettre à faire des choses étranges, mais plus qu’agréables, au niveau de mon entre-jambes. Et après, on dit que je suis bizarre ! Je ne comprends pas les gens. Ils ne tolèrent que leurs bizarreries à eux. Quand elle vient des autres, ils la rejettent. Moi, non. Et puis, je n’allais certainement pas dire à Benjamin d’arrêter ce qu’il faisait. C’était bien trop agréable. Il le savait peut-être, d’ailleurs. Je gémissais de bonheur.

Soudain, la pression au niveau de mon entre-jambes disparu, m’arrachant un gémissement un peu plus fort. Je me sentais me déverser dans la bouche de Ben. Aussi bizarre que cela puisse paraitre, c’était plus qu’agréable.

J’entendis le jeune homme déglutir, et il revint vers mes lèvres, pour m’embrasser doucement. Il me demanda alors si je voulais aller plus loin, si je voulais commencer en premier. Je le regardais un court instant, cherchant à comprendre. Ah bah non Ben, je ne sais pas ce qu’il faut faire. Il va peut-être me trouver bizarre si je lui dis ça, aussi, mais tant pis. Si je ne fais rien, ou si je fais quelque chose de travers, il ne va peut-être pas aimer, alors bon …

« Benjamin … Je … Je sais pas ce qu’il faut faire. J’ai jamais fait ça encore, tu sais ? »

Ou alors, je ne m’en souviens pas. Mais bon, ça, il n’avait pas besoin de le savoir, non ? J’observais ses lèvres, avant de poser les miennes dessus. Peut-être que ça le gênait un peu d’avoir à m’expliquer avec de mots ce que je devais faire. Je fermais les yeux, et me mordis les lèvres un instant.

« Bon, attends. Tu n’as qu’à me montrer. Comme ça, après je saurais. D’accord ? »

Je lui adressais un sourire, avant de glisser doucement ma main vers ses jambes. Je le caressais un instant, timidement, avant de reposer ma main dans ses cheveux. Je le regardais, avant de fermer les yeux.

« Montre-moi ce qu’il faut faire, Benjamin … »

Benjamin me montra ce que je devais faire. Au début, je sentis les larmes me monter aux yeux. C’était douloureux, mais agréable. Et, plus ça continuait, plus c’était agréable. Etrange, vraiment. L’espace d’un instant, nous partagions nos corps. Nous l’offrions à l’autre. Je trouvais ça apaisant. Et tellement agréable. Ensuite, je m’appliquais à reproduire les mouvements de Ben. Nous inversions les rôles. Mais quelque part, Benjamin restait mon guide. Il me faisait découvrir des choses nouvelles, m’apprenait un peu à vivre. Il était un peu embêtant parfois, mais je l’aimais bien. Et sans lui, j’étais perdu.

Lorsque je me séparais de lui, épuisé, Ben me sourit, avant de m’embrasser. On aurait dû s’arrêter là. Dans ce moment où la Voix ne me parlait pas, où j’étais calme. Dans ce moment où je me sentais heureux, et libre. Normal. Avec Ben contre moi, les yeux fermés. J’aurais presque pu sombrer au Pays des Rêves. Avec Ben.

Seulement, voilà. Le jeune homme se mit à serrer les couvertures dans ses mains. Je le sens se raidir. J’ouvre les yeux. Ben est en train d’hurler. Il me crie de ne pas le laisser. Il m’hurle mon prénom dans les oreilles. Je me suis recroquevillé sur moi-même. J’ai peur. Je ne comprends pas pourquoi Ben crie. Je posai ma main sur son torse, mais il continue. Il hurle deux fois plus fort, même. J’ai peur.

Le jeune homme hurlait toujours. Il criait à Antony de se taire, de le laisser tranquille. Je suis toujours roulé en boule sur le lit. J’essaie de ne pas l’écouter. Mais il hurle tellement fort. Il sort du lit, et je l’entends marcher. J’osais tourner la tête vers lui. Il tenait un couteau dans sa main. Et il l’appuyait sur l’autre main.

Le son du réveil. Tic-tac. Du sang. Tic-tac. Je sens une sueur glacée couler dans mon dos. Tic-tac. J’entends le hurlement de Ben, mais il ne semble qu’être un lointain écho. Tic-tac. Je ferme les yeux. Tic-tac. J’ai peur. Tic-tac. Et le réveil continue de faire du bruit. Tic-tac. Tic-tac. Je sens mon cœur qui bat. Fort, tellement fort. Tic. Tac.

« Mais fais-le taire, bordel ! »

Elle est en colère. Elle veut dormir. Et Elle ne peut pas, parce que Ben crie. Il L’a réveillée. J’ai peur. De la Voix, qui est en colère, et de lui. Lui qui est si calme d’habitude. Mon guide est en train d’hurler, sans raison. J’ai peur. Mais je ne peux qu’obéir.

J’ouvris les yeux, et me levai. Lentement, je m’approchais de Ben. Je posais mes mains sur les siennes. Paumes sur paumes. Je passais ensuite un doigt ensanglanté sur sa joue. Son sang. C’est son sang qui coule. Il ressemble au mien. Mais, ce n’est pas le même. Je lui souris, et le je regarde dans les yeux. Longtemps. D’habitude, je ne fais jamais ça. Mais ce n’est pas moi qui regarde. C’est quelqu’un d’autre. Quelque chose d’autre. Comme si Elle voulait le sonder. Mémoriser ses yeux, avant que je ne le fasse taire. Je m’approchais de lui, et posais mes lèvres sur les siennes. Mes mains glissèrent au niveau de son cou. Je souriais, et lui adressais un regard désolé. Ce n’est pas de sa faute. Ni de la mienne.

« Il ne faut pas crier Ben. Tu L’as réveillée. » lançais-je, calmement.

Je ne me rendais pas compte que mes mains resserraient petit à petit mon emprise sur son cou. Ou plutôt si, au début. Mais pas après. Je souriais toujours. Il se sentira mieux après. Il ne criera plus. Il ne me fera plus peur.

« Tu seras mieux, après, Ben. Calme-toi. »

Il semblait avoir peur. Il suffoquait. Je ne comprenais pas pourquoi. Je le regardais, toujours en souriant. Il devait se calmer. Ses yeux me lançaient des regards affolés. Je regardais sa bouche entrouverte, qui semblait chercher de l’air. Je lui adressais un tendre sourire.

Puis je remarquais mes mains sur son cou. Le temps sembla s’écouler au ralenti. Tout n’était qu’un lointain écho. Mon sourire disparu. Qu’est-ce que j’étais en train de faire ? J’eu l’impression de me prendre un coup de poing dans l’estomac – et peut-être que ce n’était pas qu’une impression. Je retirais mes mains, et me reculais d’un pas. Je remarquais les marques sur son cou. Je ne l’entendais pas tousser, je ne le vis pas se prendre le cou, pour se le masser. Je n’entendais plus les bruits autour de moi. Le réveil s’était tu. Je me reculais, jusqu’à toucher le mur opposé. Loin de Ben.

« Continue ! Ne le laisse pas crier. Fais-le taire, à tout jamais. »

Je me laissais tomber sur le sol, et me traînais dans un coin de mur. Je ramenais mes jambes contre moi. Un gémissement s’échappa de mes lèvres, les larmes franchirent la barrière de mes yeux. Je fixais un point inconnu au sol. Qu’avais-je failli faire ? N’avais-je pas essayé de le tuer, là, tout de suite ? N’avais-je pas posé mes mains sur son cou ? Je me souvenais à peine d’avoir serré. Et pourtant, les marques de mes mains étaient apparues sur le cou de Ben.

Les sanglots me secouaient. J’avais failli tuer mon ami. Pour obéir à la Voix. Pour le faire taire. Je remarquais alors des pieds nus se dessiner dans mon champ de vision. Je ne relevais pas la tête. Je me recroquevillais encore plus.

« Laisse-moi ! » criais-je.

Je fermais les yeux, et repoussais violement sa main qui s’était posée sur mon bras. Je voulais qu’il s’éloigne, qu’il me laisse tranquille. Qu’il ne me touche plus, qu’il ne me parle plus. Qu’il ne me regarde plus. J’avais peur. Peur de lui, peur de ce que je pourrais lui faire.

« Va-t’en ! »

Si seulement il comprenait …

Benjamin continua de s’approcher. Je fermais les yeux, et baissais la tête. Mais va-t’en. Va-t’en, avant que je ne te tue, sans y prendre garde. Le jeune homme releva ma tête, et me força à l’embrasser. J’aurais voulu reculer. Mais derrière-moi, il y avait le mur. Je me sentais prisonnier. Et on avait jeté la clé.

J’aurais voulu me débattre. Reculer, bouger, me dégager de son étreinte. Mais son corps m’empêchait d’esquisser le moindre mouvement. Et je n’avais plus aucune force. Ben attrapa ma main, et commença d’ôter mon bandage. Je poussais un gémissement. J’aurais tellement voulu qu’il arrête de me toucher.

« Lâche-moi … »

Mon sang coulait. Je me sentais mal. Je pleurais. J’avais peur, j’avais froid. Ben posa sa main en sang contre la mienne, et me regarda dans les yeux. Je ne pouvais tourner la tête. Je ne pouvais fuir son regard. A nouveau, il m’embrassa. Je tentais toujours de le fuir, et pourtant, ce n’était pas possible. Il me prit contre lui, sa main dans la mienne. Je gémissais. Il me lança qu’il ne me laisserait pas, qu’il me comprenait. Qu’il avait la même chose que moi. Qu’il le cachait. Il croyait que Will était comme lui, à cause de lui.

« Mensonges. »

Je le repoussais, violement, comme si la Voix m’avait redonné des forces. Je me relevais, et attrapais un caleçon, un pantalon, puis me rhabillais. Je courais presque à travers la pièce. Je ne voulais plus jamais qu’il me touche. Ni qu’il me regarde, ni qu’il me parle. Il ne le comprenait pas. Et Will n’était pas comme lui. Will était libre, et gentil. Will ne me faisait pas peur, il ne me forçait pas à faire des choses.

« Laisse-moi, Ben ! Je veux être seul. Je ne veux plus te voir. C’était tellement mieux, avant … »

Je gagnais, tant bien que mal, la porte de la chambre. Je mettais du sang partout. Je me cognais partout. J’avais du mal à tenir sur mes jambes flageolantes. J’avais du mal à aligner deux pensées. Autour de moi, tout était flou. Ma vue se brouillait, le son n’était plus qu’une cacophonie.

Je m’affalais sur le canapé, tremblant. Je n’aurais pas pu tenir debout une seconde de plus. Voix ou pas. Je voulais partir d’ici. Je ne voulais plus voir personne. A la limite, je préférais même aller au centre. La Voix allait me martyriser, mais je me sentirais en sécurité. Ben ne pourra pas me voir. Ni me parler. Et encore moins me toucher.

« Oui. Vas-y. »

Même la Voix était d’accord. J’eus un sourire. Pour une fois que je lui obéissais de plein gré. Autant en profiter. Je me mis à ramper jusqu’au téléphone. Et l’attrapais.

Ben arriva dans le salon. Il s’était rhabillé. Il me jeta un regard, que je ne lui rendis même pas. J’avais trop peur qu’il ne vienne, encore et encore, et qu’il ne reste vers moi. J’avais peur qu’il se remette à crier. J’entendis la porte calquer, mais je ne bougeais pas d’un pouce. Je ne suis pas fou, quand même. Il va encore crier si je vais le chercher. Il va me toucher, il va me regarder. Et moi, je ne veux pas. Je veux qu’il me laisse tranquille.

Pourtant, pour je ne sais quelle raison, je me levais, chancelant, et reposais le téléphone. Je me dirigeais vers la porte d’entrée, et enfilais mes Vans. Je posais ma main ensanglantée sur la poignée de la porte, et sortis. Je descendis lentement les escaliers. J’aurais peut-être dû prendre l’ascenseur … Mais bon, si je me gémellais dans les escaliers, je serais plus vite en bas, au moins … Je souriais, et me mis à marcher dans la rue.

J’avançais, chancelant. Derrière moi, je laissais tomber des gouttes de sang. Ça me donnait un effet Petit Poucet un peu étrange. Mais ça ne me dérangeait pas vraiment. Au moins, j’étais certain de retrouver mon chemin. En plus, je ne savais pas où je voulais aller. Et si je me perdais ? Donc, vous comprenez, c’est toujours plus facile de savoir retrouver son chemin après. Et puis, les oiseaux ne mangeraient – enfin, ne boiraient pas – mon sang par terre. Ça pourrait être marrant, mais … non. Il n’y avait pas de corbeau à Los Angeles. Juste des pigeons. C’est dommage, parce que moi, j’aime bien les corbeaux. Mais là, je crois que je divague un peu.

Je continuais de marcher donc, lorsque quelqu’un m’attrapa par le bras. Je me retournais, sourire aux lèvres. Sourire qui sembla le déstabiliser un peu, d’ailleurs. Quoi ? Je ne devrais pas sourire ? L’homme continue de me regarder, dans les yeux. Mon sourire s’efface. Je n’aime pas que l’on me regarde dans les yeux. Il regarde alors ma main, et me dit que je suis blessé. Je l’observe, puis je hausse les épaules, avant de me retourner, et de continuer mon chemin.

Visiblement, il ne veut pas me laisser tranquille. L’homme me rattrape, et il me dit que je dois voir un docteur. Que je dois aller à l’hôpital. Je hoche la tête négativement. Mais il est chiant. J’ai un peu mal, mais je ne veux pas aller à l’hôpital. Il me demande mon nom. Si je lui dis, peut-être qu’il me laissera tranquille. Alors je m’exécute. Mais il reste vers moi. Il me force à m’asseoir sur un banc, et sors son téléphone. J’essaie de me relever, mais il m’agrippe le bras, il ne me laisse pas partir. Je continue de me débattre, je mets du sang sur ses vêtements, mais rien à faire. Je faiblis. L’homme raccroche son téléphone. Il me tient toujours. Il me demande si je suis malade. Bah non, je ne suis pas malade. Il est bizarre lui. Je serais chez moi, si j’étais malade.

Une voiture arrive. Des hommes en blancs sortent. Je les connais. Parfois, ils viennent chez moi. Quand je dois aller au centre, par exemple. Je me débats deux fois plus en les voyant arriver. Ah non, mais ce n’est pas possible. Je ne veux pas aller à l’hôpital. Je vais bien. Ils sont vraiment chiants, les gens.

J’arrive à me tirer de l’étreinte de l’homme. Je me mets à courir. Je ne veux pas qu’ils me rattrapent. Je trébuche, je me prends dans mes pieds, et je tombe par terre. Les hommes en blanc me rattrapent. Quelque chose me pique dans mon bras. Je gémis. Je me sens bizarre. Tout se trouble autour de moi. Ma tête est lourde. Mes paupières sont lourdes. D’un coup, je me sens tellement fatigué. Je n’arrive même plus à résister. Je veux lever un bras, mais je n’y parviens même pas. Tout devient noir autour de moi. J'entends juste une Voix. Un écho, lointain.

« On va bien s’amuser. »

Je ferme les yeux, et je sombre.

[End]